Une guerre nécessaire
Officiellement, nous ne sommes pas en guerre contre la Russie, ni nous ni l’OTAN, et tous nous prenons des précautions pour que cela tienne juridiquement la route. Cela évite de donner à ce conflit une dimension mondiale dangereuse. Cela arrange la Russie qui ne ferait plus le poids devant la puissance de l’OTAN, cela arrange les pays occidentaux qui ne veulent pas transformer ce conflit en guerre mondiale.
Jusqu’ici, cette position était soutenable car le problème à résoudre n’était qu’ukrainien. Et l’on pouvait envisager la victoire des Ukrainiens. Mais il semble qu’on s’oriente plutôt vers un équilibre des forces et une stabilisation à long terme du front.
Surtout, nous commençons à nous apercevoir que le problème n’est pas qu’ukrainien, il est russe, il est grave et il est mondial. Voici pourquoi.
Les Russes interviennent dans le monde entier comme une puissance malfaisante.
Ils ont influencé les électeurs américains pour faire élire Donald Trump.
Ils ont influencé les électeurs anglais en faveur du Brexit.
Et bien d’autres élections ailleurs dans nos pays européens pour soutenir des partis populistes ou nuisibles.
Ils ont soutenu les Gilets jaunes en France par leur chaine de télévision russe, RT France, qui était devenue la chaine la plus regardée par les Gilets jaunes (chaine subversive heureusement fermée aujourd’hui en Europe mais toujours active dans beaucoup de pays du monde).
Ils disposent d’équipes informatiques spécialisées dans la désinformation grâce en particulier aux réseaux sociaux.
Leurs moyens d’informations n’hésitent pas à utiliser le mensonge à grande échelle et l’interprétation biaisée.
L’un de leur thème consiste à persuader que l’Occident est décadent et qu’ils disposent du meilleur système.
Les gens de pouvoir en Russie sont tous des gens qui ont réalisé une immense fortune.
En tout cela ils représentent une force du mal.
Ils sont intervenus dans de nombreux pays africains avec leurs milices Wagner selon des méthodes inacceptables pour mettre la main sur les richesses du pays. Leur truc est d’assurer une garde prétorienne auprès de gouvernements fragiles, ce qui leur permet ensuite d’agir librement. Ils sont ainsi intervenus au Mali et au Burkina Fasso par le mensonge pour que les autochtones haïssent la France au point de nous obliger à abandonner ces pays aux Jihadistes. Ils annoncent que leur prochaine cible sera la Côte d’Ivoire. Ils sont aussi bien implantés au Centrafrique où ils intimident et harcèlent les civils créant un climat de peur qui leur donne les mains libres. Ils sont aussi intervenus en Libye, en Syrie, au Soudan, au Mozambique, au Vietnam, au Vénézuela,… et tout cela par le mensonge, la violence, les coups tordus, la prévarication, le crime, la torture… En Ukraine, ils ont utilisé 40 000 prisonniers russes (souvent criminels) à qui ils promettaient la liberté mais qu’ils tuaient à la moindre désobéissance.
Bien que récemment neutralisés en Russie et en Ukraine, Wagner vit toujours. Cette milice peut se comparer aux SS allemands durant les années 30 et pendant la guerre. C’est un État dans l’État, une force parallèle aux forces légales qui peut utiliser tous les moyens tordus et illégaux et agir comme une mafia organisée et structurée. Surtout elle est devenue très importante avec des ramifications dans de nombreux pays qui ne cessent de s’étendre, de s’adapter et de se renforcer.
Enfin, quelque chose qui, pour Poutine, s’avérera aussi grave que les chambres à gaz d’Adolph Hitler : le kidnapping massif et organisé d’enfants ukrainiens envoyés très officiellement en Russie pour adoption sous couvert de sauvetage humanitaire, en changeant leur nom, leur prénom, leur date et leur lieu de naissance afin d’empêcher toute recherche. Les Russes ont commis là, en masse, légalement et systématiquement, des crimes contre l’Humanité : l’enlèvement d’enfants et leur déportation, avec surtout une véritable organisation pour leur laver le cerveau afin qu’on ne puisse pas les retrouver, ce qui est constitutif du crime de génocide : le 30 mai 2022, Poutine a même sorti un décret légalisant en 24 heures ce genre d’action et permettant de le faire officiellement et massivement. Le nombre d’enfants arrachés à leur famille, capturés et déportés en Russie est difficile à établir mais la fourchette sérieuse varie entre 16 000 et 200 000 selon Alain Bauer. Si l’on peut expliquer des cas d’enfants perdus, on ne peut admettre l’organisation manichéenne et mensongère de bout en bout pour le faire, les transformer et les empêcher de retrouver leurs sources familiales. Des chercheurs américains de l’Université de Yale témoignent d’une quarantaine de camps où sont enfermés des mineurs soumis à des programmes d’endoctrinement russe avec des menaces, des pressions psychologiques, des risques de tortures. Pour le Procureur de la Cour pénale internationale Karim Kahn, il n’y a plus de doute, il s’agit bien d’enlèvements et d’adoptions forcées de mineurs vers des zones occupées. Moscou ne le nie pas et présente à la télévision ce crime de guerre comme un acte d’humanité.
J’arrête cette liste qu’on peut allonger mais qui montre qu’il ne suffira pas de gagner en Ukraine mais de tuer en Russie la bête immonde comme on disait du nazisme allemand. Le mal est trop grave. Je ne vois donc pas comment nous allons pouvoir éviter une guerre plus complète contre la Russie. Même si c’est une guerre froide. Et donc longue.
Pour ne pas se tromper, il faut comprendre qu’au plan juridique Poutine est cuit et que sa seule voie de survie est de faire durer la guerre. A la limite on peut même dire que cette guerre ne se prolonge que pour ça.
J.M. janvier 23
Nota : Pour plus, voir
https://www.france.tv/france-5/c-dans-l-air/4489168-afrique-ukraine-la-marche-sanglante-des-wagner.html
Et dans le journal « Society » du 19 janvier au 1er février 2023 : « Wagner, le business de la mort » : Comment Wagner l’armée secrète de Poutine est devenu un empire. C’est une armée internationale.
La suite à lui donner qui dépendra essentiellement de nos gouvernements et de l’OTAN : En effet, l’essentiel est affaire de stratégies, il ne s’agit pas seulement des stratégies concernant les moyens de gagner la guerre que des stratégies pour gagner la paix.
Lire par exemple dans le chapitre de ce blog « Vision de paix » qui parle d’une stratégie de paix
Lire surtout « Conduire la guerre. Entretien sur l’art opératif », de Jean Lopez et Benoist Bihan, Perrin 24/01/2023. Ce livre est très important car, dans l’histoire, très peu de dirigeants ont su pratiquer des stratégies de paix dont la guerre n’est qu’un moyen parmi d’autres. Voir dans ce blog le sous-chapitre suivant : Stratégies.
A mon humble niveau, je dirais que, tant que cette stratégie générale ne sera pas fixée, il faut faire deux choses : 1 – continuer ce que nous faisons en Ukraine, 2 – Développer en France et en Europe de l’Ouest « L’esprit de défense », non pas rendre les gens belliqueux mais plus conscients des réalités et des contraintes personnelles qu’exigent la possible guerre à venir. A l’Est de l’Union Européenne, cet esprit existe déjà.