Le Christ a-t-il fait des miracles ?
Dans mon livre « Croyances meurtrières », l’étude des croyances m’a conduit à distinguer deux sortes de croyances, celles dont l’objet est incertain et invérifiable comme croire en Dieu, en une vie extra-terrestre, au diable, etc. et celles dont l’objet est vérifiable comme croire une information, croire en l’amour. Ainsi , il y a deux sortes de croyances chrétiennes :
les croyances invérifiables ( I ) enseignées par l’Église catholique et la plupart des religions chrétiennes depuis longtemps, qui affirment la divinité de Jésus, sa résurrection, ses miracles innombrables, la vie après la mort et tous les dogmes de l’Église. Ces croyances ne sont pas vérifiables mais chacun peut y croire, en tout bien tout honneur, à condition de ne jamais éliminer le doute. Si elles sont de plus en plus retenues « à la carte » par chaque individu, elles n’en forment pas moins l’essentiel de la foi chrétienne définie par l’Église.
les croyances du domaine vérifiable (V) qui consistent à croire « l’Homme » Jésus, c’est à dire en son discours, sa vie, ses actes et son extraordinaire message d’amour qu’il a lui-même vécu et assumé jusqu’à mourir sur la croix. Cette forme de croyance ne comporte pas d’éléments surnaturels (sans pour autant les exclure). Par exemple, lorsque Jésus parle de son Père, on peut entendre cette parole comme celle d’un homme instruit dans la religion juive, mais pas forcément comme une parole divine.
L’idée de ce texte est d’attirer l’attention sur une évidence qui m’est apparue avec l’âge : si Jésus était réellement Dieu comme l’affirme l’Église (depuis le 4° siècle au concile de Nicée), il n’avait probablement pas « besoin » de faire des miracles pour être crédible. Il disposait pour cela de bien d’autres atouts et de niveau plus élevé comme l’ont fait par leur exemplarité et leur engagement de grands hommes de l’humanité.
De plus, l’existence des miracles de Jésus « oblige » en quelque sorte à croire en son caractère surnaturel, en sa divinité, en sa doctrine. Ils réduisent grandement notre liberté d’adhésion à la foi chrétienne. Au contraire, ils nous y enferment. Je ne pense pas qu’avec sa hauteur de vue, Jésus ait pu utiliser un tel stratagème : il nous veut libres, la manière dont il nous parle le montre bien.
Le problème est qu’ils foisonnent dans le nouveau testament : il change l’eau en vin, nourrit des foules, marche sur l’eau, guérit instantanément les malades, ressuscite un mort, il réapparaît lui même après sa mort… au point que croire en sa divinité n’est même plus une option. Cela pose les bases d’une religion enfermée dans des Vérités absolues, indiscutables, irréfutables (foi de type I comme Invérifiable). Cela ôte toute valeur aux démarches personnelles de foi (de type V comme Vérifiable), cela les rend moins responsables. Plus encore, cela justifie même toutes les actions de prosélytisme, les actions missionnaires, les croisades !
Car l’importance de la foi ne saurait être de croire Jésus pour ses miracles, mais de croire librement en son message d’amour. Ce ne saurait être de croire en ce message parce qu’il est supposé de source surnaturelle mais bien plutôt pour sa valeur intrinsèque.
En faisant tous les miracles décrits dans le Nouveau Testament, Dieu par l’entremise de Jésus aurait consciemment ouvert une boite de Pandore, lourde de conséquences : 1 – en facilitant le développement des croyances totalitaires, intolérantes, 2 – en permettant aux Églises futures d’accéder aux pouvoirs temporels avec les lourdes conséquences historiques qu’on connait, et surtout 3 – en créant les conditions propres aux guerres de religion en Europe, et aux guerres de conquête, parfois forcenée, en Amérique, en Asie et en Afrique pour évangéliser les païens. On ne le sait pas toujours mais l’islam est passé par le même chemin de violence : en faisant du Coran un texte « dicté » par Dieu, il s’est donné l’outil de sa fulgurante expansion par conquête guerrière. La certitude absolue développée aujourd’hui par l’islam radical tient aussi à ce miracle fondamental.
J’ai donc plus qu’un doute sur l’ampleur et la nature de ses miracles, ils peuvent être des guérisons spectaculaires comme en font actuellement nombre de guérisseurs avec l’effet placebo dont la science nous dit qu’il donne de bons résultats dans 33% des cas. Ces quasi-miracles auraient alors pu être amplifiés par les nombreux copistes successifs du nouveau testament. Quant au miracle sommital de la résurrection, il n’a jamais été prouvé, cela n’exclut pas qu’on puisse y croire mais à condition de ne pas en faire un absolu, et de toujours savoir que ce n’est qu’une croyance.
En tout cas, je ne pense pas que son message avait besoin d’être authentifié par des miracles. J’ai une si haute idée de la création du monde que ce serait l’abaisser que de vendre son créateur par des petits miracles, elle est en soi le plus grand de tous les miracles. La nature en est un, le corps humain en est un, l’amour que tu portes en toi, lecteur de ces lignes, en est un autre.
Dans le même ordre d’idée, mon ami défunt François Biehlmann, féru de théologie, disait aussi « Je ne crois pas que Dieu ait pu envoyer son fils sur terre pour souffrir afin de racheter les péchés des hommes. Qui pourrait faire cela ? »
JM, Juin 2023