Mon parcours religieux
Enfance
4 à 5 ans, Armentières – Sur les genoux de ma mère qui me parle très tôt du bon Dieu, de la gentillesse, du mal (c’est la guerre), du bien, des merveilles. On regarde ensemble les belles images du journal chrétien pour enfants « La miche de pain » et je suis déjà amoureux de la vie et de notre religion, il me semble que je comprends tout. (Comment en serait-il autrement sur les genoux de sa maman ?)
5 à 8 ans, au Bizet (frontière belge) – Durant la guerre, logé chez les vieilles tantes, les règles, les obligations, les pratiques, le cérémonial… Leur religion a pris des formes d’obligations desséchantes. Je subis mais avec recul cela me fait comprendre ce que je ne veux pas.
9 à 12 ans, à Voiron – Chez les Dominicains, éducateurs intelligents. Je comprends tout de l’évangile, du merveilleux, de l’Église, de ses obligations, des pratiques religieuses. Louveteau avec une cheftaine super. Période merveilleuse. Je songe vaguement à devenir prêtre.
Adolescence
13 à 18 ans, à Épinal – Études secondaires chez les prêtres diocésains – Foi solide, entourage positif et constructif. Bonne ouverture à la philosophie.
19 à 23 ans – Étudiant ingénieur chez les Jésuites. On me dit rêveur, idéaliste. Foi sans faille et militante. Entre ma famille et mon parcours scolaire mon éducation religieuse est excellente.
J’ai la chance d’avoir toujours été entouré d’éducateurs intelligents dans tous les domaines.
Je conteste quand-même que, pour l’Église, la foi consiste à « croire » alors qu’elle me semble devoir être plutôt une adhésion et une confiance. Mais cette nuance n’intéresse personne alors que 60 ans plus tard je réaliserai l’importance de cette idée.
23 à 25 ans – Officier en Algérie – Boulot honnête de maintien de l’ordre mais sans conviction quant au but de la guerre – La religion en « à côté » – Le fait d’écrire chaque jour à ma fiancée me fait profiter d’une heure quotidienne de réflexion.
Adulte
26 à 58 ans – Père de famille et métier d’ingénieur – Foi stable – Équipes Notre Dame – Je suis ce qu’on appelle un chrétien pratiquant. Retraité à 58 ans.
53 à 60 ans (de 89 à 96) – Travail associatif pour promouvoir les méthodes de résistances nonviolentes parmi les stratégies de défense nationale. Premier livre. Actions de communication et de promotion. École de la Paix. Début d’un long suivi (qui ne cessera plus) des conflits de la planète, leurs causes et leur mode de résolution.
Retraité
60 à 75 ans (de 96 à 2011) – Frappé par l’importance des religions et plus particulièrement des croyances dans les guerres et conflits. Études et lectures. Publication d’un livre sur la nocivité des croyances religieuses. Remise en cause de mes propres croyances chrétiennes vers des voies plus « raisonnées ».
75 à 79 ans (de 2011 à 2015) – Focalisation de cette réflexion sur la religion musulmane où les croyances jouent un rôle encore plus problématique et violent. Études, lectures et publication en 2016 de « Face à l’islamisme » qui met à profit mes suivis géopolitiques et religieux.
79 à 88 ans – (2015 à 2024) – Approfondissement personnel. Publication de textes sur mon blog. Je m’éloigne de la pratique religieuse (sauf évènement particulier), mais je reste chrétien.
Je mets à distance tout le surnaturel (miracles, croyances, dogmes, etc.) ; plus exactement je n’exclue rien mais je constate que, de toutes ces affirmations de l’Église, on n’est sûr de rien. On peut y croire, en tout bien tout honneur, mais à condition d’accepter que ce ne sont que des croyances, donc en donnant une place importante au doute.
Principales conclusions de mes études sur les croyances religieuses
Précisons d’abord qu’il y a deux sortes de croyances, celles qui ne sont pas vérifiables (ex. la vie après la mort) et celles qui le sont (ex. un fait historique). Je m’intéresse ici aux premières, les non-vérifiables, elles forment généralement le socle des religions.
Depuis longtemps, pour moi, il y avait ce doute sur l’approche de la foi par voie de croyance au lieu d’une approche par adhésion et confiance qui me paraissait plus sérieuse. Je traine cela depuis l’adolescence mais sans m’y attarder car le christianisme, religion d’amour, est si beau et si cohérent qu’il m’émerveille et comble mon esprit.
Mais ce doute prend de l’importance à mesure que j’étudie les guerres et conflits jusqu’à comprendre que les religions, toutes fondées sur des croyances qui, étant par nature facilement exclusives et totalitaires, représentent de graves obstacles à la paix. C’est le cas par exemple des évangéliques, dont la religion fonctionne passionnellement sur des croyances. Leur énorme succès fait élire un Trump aux USA, agressif, menteur, aux visions courtes et dangereuses pour la paix, et dans la même veine, un Bolsonaro au Brésil. Ce l’est encore plus sur une planète où la population vient de quadrupler et continue d’augmenter de 220 000 personnes « par jour », où le brassage des populations exacerbe les conflits souvent liés en arrière-plan à des oppositions de croyances.
Je découvre que ma religion, le christianisme, n’est pas universalisable car elle nécessite de passer par une case croyance portant sur des miracles, du surnaturel et des dogmes (comme celui de la trinité dans lequel Jésus « est » Dieu), et autres affirmations non vérifiables contenues dans le Credo des Chrétiens. Ce passage obligatoire par la croyance avait été génial pour répandre le christianisme dans les premiers siècles mais, avec le développement de l’instruction, il ne l’est plus et le sera de moins en moins. Même si les évangéliques, s’adossant à des approches miraculeuses et passionnelles, trouvent encore un large public moins instruit.
Je découvre que la seconde religion du monde, l’Islam, a fait toute son expansion par la guerre et la continue par le mensonge, la violence et les méthodes inacceptables. Historiquement, après conquête militaire d’un pays, elle rendait la croyance obligatoire pour tous, ce qui apportait la paix dans les pays conquis et lui permettait de dire que l’islam est une religion de paix.
Par ailleurs, le nombre de religions sur la terre est de 10 000, sans compter les différents schismes. Chacune d’elles se fonde sur des croyances particulières non vérifiables mais qui, tout en créant lien et cohésion sociale à l’intérieur du groupe croyant, fonde opposition et conflictualité avec les autres croyances.
Bref, pour vivre ensemble aujourd’hui, il devient très important de remettre à une place plus modeste les croyances religieuses et je suis conforté dans cette voie :
• Par la science épistémologique qui montre que les croyances non vérifiables ne peuvent prétendre à la vérité.
• Par Jésus lui-même qui a lutté contre les croyances et les dogmatismes, mettant en avant les réalités, nos consciences, et condamnant les idées toutes faites.
• Par nombre de grands théologiens chrétiens[1], prêtres pour la plupart, qui veulent :
- Démythologiser le christianisme
- Sortir des dogmatismes
- Une foi personnelle plus que collective
- Un message chrétien universalisable, c’est à dire acceptable par tous (y compris dans les autres religions)
• Par l’esprit des propositions du concile chrétien « Vatican 2 » qui veut une Église
- Qui ne va plus de haut en bas comme dans le passé mais de bas en haut
- Où la conscience de chacun doit finalement dominer
- Où l’acte de croire est une affaire personnelle et non plus collective
- Où la vérité n’est plus prédéfinie et intouchable, mais le fruit d’une incessante quête où la libre recherche, l’échange, le dialogue, l’aide mutuelle deviennent des composantes de l’acte de croire
- Où toute religion peut comporter des éléments de vérité, où tout homme peut obtenir le salut
Mais ces évolutions (démythologisation et Église montante) ne peuvent être mises en œuvre sans créer de profondes divisions chez les Chrétiens. Peut-être dans quelques dizaines d’années. Le pape François ne peut aller trop vite afin de préserver l’unité. Parce qu’en fait le dernier concile fait autorité, et même obligation pour le pape.
• Par l’effondrement en France et en Europe de pratiques religieuses chrétiennes inadaptées, remplacées par l’émergence de valeurs profanes transmises par les médias (parfois même avec excès lorsqu’elles s’appuient sur une croyance).
• Par la science qui montre que des guérisons spectaculaires peuvent avoir des explications non miraculeuses (par exemple, psychologiques, historiques, humaines,[2] …).
• Par le fait que si nous ne faisons pas ces évolutions, si nous ne modérons pas nos croyances (et je dis bien modérer et non pas forcément abandonner) nous ne pourrons pas « vivre ensemble » dans un monde toujours plus dense et plus mélangé.
• Par la nécessité d’un christianisme universalisable, c’est à dire acceptable aussi bien par des Hindouistes, Bouddhistes, Musulmans, Athées, Confucianistes, Israélites, etc. En effet, je ne peux concevoir que le message du Christ soit réservé à une partie de l’humanité qui croit à sa résurrection et à ses miracles.
• Parce qu’un christianisme démythologisé, donc rationalisé, est beaucoup plus « responsabilisant » qu’un christianisme de miracles et d’affirmations surnaturelles qui enferment les croyants et ne laissent aucun choix personnel.
Cela fait beaucoup d’arguments, et surtout ils sont tous très forts. Mais ce n’est pas étonnant puisque nous quittons le domaine des croyances et des opinions pour nous situer dans le domaine rationnel.
Bien sûr, au plan pratique ce n’est pas sans poser de grandes difficultés à ceux, très nombreux, qui, depuis leur enfance, sont imprégnés d’approches croyantes.
Pourtant, lecteur, il ne vous a pas échappé que, contrairement aux nombreux discours des incroyants, celui-ci est celui d’un chrétien, c’est à dire d’un adepte du Christ qui, pour moi, reste un modèle de vie et d’idéal humain.
Quant à « Dieu », dont je n’ai pas parlé, il ne saurait être question d’y croire ou de ne pas y croire. Cela m’est inspiré par Saint Augustin qui avait dit : « Si tu comprends, alors ce n’est pas Dieu… Dieu n’est pas ce que vous avez compris, il est ce que vous ne comprenez pas. » Les Hommes utilisent ce mot de Dieu pour parler de tout ce qu’on ne connait pas de la création de l’univers. Ce n’est donc qu’un concept mais qui désigne quelque chose de vague et d’inconnu qui existe forcément. Sauf que le fait de le désigner est peut-être déjà excessif voir dangereux car cela transforme le concept en « personne ».
Par contre, si je ne peux en dire plus, je peux en dire beaucoup plus sur sa création qui est extraordinaire de beauté, de richesse, de variété… je n’ai pas de mots suffisants pour parler des merveilles et de l’intelligence que j’y vois chaque jour. Le bien et le mal en font partie. Ils fondent des valeurs bien supérieures comme notre liberté, notre courage, notre amour… Ils permettent à chacun de nous de construire la part du monde qui, semble-t-il, nous est laissée à construire.
Et là, nous sommes devant des choix infiniment plus importants (et moins absurdes) que de savoir si nous croyons aux miracles et en la divinité de Jésus.
L’adhésion et l’engagement me semblent être plus responsabilisants que la croyance.
Le christianisme n’est pas une affaire de croyances surnaturelles.
Il s’agit plutôt de croire l’homme Jésus, plus exactement l’esprit de Jésus qui est une croyance vérifiable.
J.M. 23 mars 2024
[1] Joseph Moingt, Hans Kung, Maurice Bellet, Bernard Besret, Jean Sullivan, Jean Rigal, François Ponchaud, Yves Burdelot, Olivier Rabut… Mais aussi des échanges au Centre théologique de Meylan qui n’a pourtant rien de dissident.
[2] Exemples d’explication. Psychologique : Dans une assemblée évangéliste, lorsqu’un millier de personnes en transes concentrent leurs prières pour la guérison d’une personne, celle-ci peut s’en trouver transformée. Historique : les évangiles ont été écrits plusieurs années après la mort de Jésus, avant cela, sa vie avait probablement été longtemps racontée et magnifiée notamment aux enfants. Humain : les évangiles ont été l’objet de nombreuses recopies. Pour les copistes, la tentation devait être forte de ne pas en rajouter dans le merveilleux, mais sans mauvaise intention.