Vocabulaire
L’étude et l’expérience des formes de lutte nonviolentes montre l’existence
de nombreuses confusions et incompréhensions dues au manque de définition des mots.
Remarque préliminaire : En bon français,
Non violent ne prend pas de trait d’union en tant qu’adjectif
Non-violence prend un trait d’union en tant que substantif
Lutte non violente : Forme de lutte politique ou sociale dont la caractéristique est de s’exercer sans violence
Mais de quelle violence parle-t-on ? Car la notion de violence est parfois très large et va, pour des militants de la non-violence jusqu’à comprendre par exemple le fait de gouverner, le fait d’exiger l’obéissance, etc. Cet élargissement de concept a sévi durant la guerre froide à l’instigation des communistes qui cherchaient à désarmer psychologiquement l’Occident. Aujourd’hui encore il fait des ravages en profondeur dans la société. L’adjectif non violent a un côté très positif mais aussi un côté excessif lorsqu’il devient une idéologie (la non-violence) dans laquelle le mot violence change de sens et s’élargit à toute contrainte. Dès lors, par opposition sémantique, tout devient « non-violence » et pour certains, ce concept va jusqu’à devenir l’alpha et l’oméga de la philosophie, ce qui conduit à des aberrations.
Lutte nonviolente (adjectif en un seul mot) : Définition identique à celle de « Lutte non violente » mais, pour résoudre son ambiguïté, ici on parle exclusivement de violence physique
La liaison dans l’adjectif nonviolent marque le refus de toute extension de sens du mot violence qui ne concerne donc que la violence physique. La lutte nonviolente exclut toute violence physique. Elle n’en est pas moins un exercice de force, elle est destinée à « forcer » un adversaire.
Cette nuance scripturale vient de Gene Sharp qui, l’ayant conseillée en américain, fait école à l’international et permet d’éviter toute ambiguïté.
En fait, elle est plus importante qu’on ne le croit parce que l’expression habituelle « Lutte non violente » a un sens très large et va jusqu’à recouvrit de simples manifestations de rue comme on en voit tous les jours alors que Gene Sharp s’intéresse spécifiquement aux grandes luttes nationales, comme celles de tout un peuple majoritairement uni pour sortir de l’oppression. Ces résistances-là ont pour spécificité de ne pas pouvoir échouer compte tenu de la gravité de la situation. Même sans violence physique, elles n’en sont pas moins des opérations de force car elles « contraignent » un adversaire. Elles doivent être si bien conçues et préparées qu’elles ne peuvent que conduire à la victoire (comme dans le champ militaire par ex. pour défendre la patrie). Cela situe leur complexité à haut niveau de préparation. Avouons que cette suppression de trait d’union est un artifice bien faible pour traduire une différence aussi lourde de sens.
Pour sortir définitivement de cette ambiguïté grave, il est plus intéressant d’utiliser les expressions « LUTTE SHARPIENNE » ou « RÉSISTANCE SHARPIENNE » que nous définissons ainsi :
Lutte sharpienne, Résistance sharpienne : Forme de lutte politique dont les caractéristiques sont
– de s’exercer sans violence physique
– par des processus de défiance de nature politique, économique, sociale, psychologique…
– de correspondre à une volonté majoritaire dans la population concernée
– d’établir une épreuve de force conçue pour réussir absolument
– d’être stratégiquement préparée et planifiée selon les recommandations de Gene Sharp.
Action nonviolente, Action civile, Action citoyenne : Unité d’action dans une résistance qui comporte plusieurs sortes d’actions. Exemple : un boycott, une manifestation de rue, un sit-in…
Résistance civile ou Résistance nonviolente ou Résistance civile nonviolente : Forme d’action continue d’un groupe de personnes refusant une situation, un pouvoir, une loi, une obligation, une contrainte collective… se traduisant par une suite d’actions civiles ou nonviolentes. Ex. Mouvement des droits civiques des noirs américains aux États-Unis en 1968. Ces résistances se différencient des résistances sharpiennes en ceci qu’elles n’intègrent pas forcément leurs trois dernières caractéristiques (indiquées ci-dessus : majorité, conçue pour réussir, préparée et planifiée selon recommandations de Sharp).
Résistance civile de masses : Résistance civile qui implique un très grand nombre de personnes. Plus ce nombre est élevé, plus grande est sa justification, plus elle mérite l’attention du pouvoir. Une participation majoritaire doit être considérée comme un sursaut démocratique, une soupape de sûreté nécessaire à la vie en société. (Ne pas confondre participation et soutien : la participation est active alors que le soutien n’exprime que des sondages ou des états d’âme)
Défense par actions civiles (DAC) : Résistance sharpienne appliquée à la Défense Nationale
Dissuasion civile : Défense par actions civiles si bien préparée que l’adversaire est dissuadé d’agir car il se retrouverait pris comme dans un guêpier
Défense civile : l’ensemble des actions qui en temps de paix concourent à la préservation de la sécurité des personnes et des biens et à la protection de l’environnement. Il s’agit d’une vaste organisation répartie dans les territoires nationaux, qui aujourd’hui n’a rien de commun avec la Défense par actions civiles et les processus nonviolents.
Stratégie : Qu’il s’agisse de guerre, de résistance ou de lutte : définition des principales options qui permettent d’atteindre l’objectif fixé
Planification stratégique : Résultat et ensemble des travaux d’études et de préparation conçus de manière à assurer la victoire