Lettre au Président
3 novembre 2020
Monsieur le Président de la République
Je vous remercie de m’accorder une partie de votre temps, ô combien précieux en cette période troublée.
La décapitation d’un symbole de notre culture, me conduit à vous envoyer mon livre « Face à l’islamisme – 44 idées pour une stratégie de paix » paru fin 2015. Ces 44 idées sont toujours d’actualité et méritent de plus en plus d’être prises en considération.
Ce que j’ai à dire aujourd’hui, cinq ans donc après sa publication, va un peu plus loin. Je veux parler de la compréhension publique du problème – de la hauteur du niveau stratégique – de l’usage de la force – et d’une suggestion d’action.
Avant de le faire, il me faut préciser que mon livre ne traite pas de l’islam mais de l’islamisme, et que je respecte les musulmans de paix lorsqu’ils ne font pas de leur religion un projet politique. En France, ils représentent les trois quarts de la population musulmane.
Par ailleurs, j’ai beaucoup apprécié, d’une part l’excellent travail des parlementaires du Sénat sur l’islam radical, d’autre part les propositions qu’avait faites le gouvernement avant le 16 octobre pour progresser sur le sujet et encore plus la prise de conscience générale qui s’est emparée des milieux de réflexion après le 16 octobre. Vos discours récents Monsieur le Président témoignent d’une réelle compréhension du danger pour la France et laissent espérer des actions efficaces. Je vous en remercie et l’Histoire vous saura gré de la direction que vous prenez.
La compréhension publique du problème
L’agression islamiste a ceci de particulier qu’elle n’est nulle part et partout dans la population, sans chef et sans tête mais avec un effectif important, de l’ordre de 750 000 selon Jérôme Fourquet. Pour vaincre, et j’insiste sur ce verbe, une masse aussi diluée et aussi floue, les moyens de l’État ne peuvent suffire, ils doivent nécessairement être appuyés et soutenus par le peuple français. Cela suppose une meilleure compréhension populaire du problème. Elle est aujourd’hui insuffisante d’autant plus qu’elle n’est pas simple.
On en est encore à considérer l’islamisme comme une religion alors que c’est aussi un projet politique. Il est totalitaire et exclusif. Voici ce qu’en dit Boualem Sansal au Courrier International du 22 octobre : « L’islamisme est conçu comme un courant religieux. Mais l’islamisme n’est pas que cela, c’est aussi une organisation politique. Son but est d’imposer ses idées et de prendre le pouvoir. Il faut penser l’islam non seulement comme une religion mais aussi comme une civilisation. Et aujourd’hui la France s’y refuse. » Il ajoute encore : »Pour eux, il y a deux options : ou je vous impose mes idées et vous convertis, ou je vous liquide et prends votre place. »
Il importe de faire connaître cette réalité au peuple français. Sans lui notre force ne pourra s’imposer et il restera toujours comme le spectateur passif des points que marquent tantôt l’ennemi, tantôt nos forces de l’ordre. Cela nous conduit à un plan de communication
Les musulmans non islamisés sont trois fois plus nombreux que les islamistes et revendiquent une religion de paix. Nous aurons besoin d’eux et leur soutien sera stratégique. Il faut faire en sorte que les Français se déterminent, collectivement au niveau des partis politiques et de la société civile, et individuellement au niveau des croyants.
La hauteur du niveau stratégique
Le niveau de l’agression islamiste est d’une telle puissance dans le monde et maintenant en France qu’il est peu probable que nous puissions prendre des dispositions à la hauteur de l’enjeu. Je m’explique.
Partout dans le monde l’islamisme pose gravement problème (Chine, Russie, Inde, Philippines, Moyen-Orient, Maghreb, Sahel…). En France, sa puissance tient à l’effectif de ses militants, à la hauteur de ses finances, à la force de ses croyances, au caractère insidieux de ses méthodes et à l’usage du mensonge permis au profit de la religion.
Il s’agit même d’un nouveau fascisme ou islamo-fascisme, si l’on considère qu’il est fait de totalitarisme, de violence extrême, de fanatisme, d’autoritarisme, d’hégémonisme, d’idéologie unique, d’obligation de bien penser, de rejet de la démocratie et de la diversité politique.
En dehors de l’Europe, la plupart des pays s’en défendent par des solutions militaires et policières expéditives (peine de mort, emprisonnement, violence, sanctions, contrôle de l’information). En Europe où la France est en première ligne du combat avec sa laïcité, ses Lumières, son passé en terre d’islam, son effectif de musulmans radicalisés et de jeunes sans travail, il n’y a pas de ligne directrice visant à « résoudre » le problème, chaque pays gère tant bien que mal sa survie au jour le jour. On se préoccupe essentiellement du terrorisme (avec un relatif succès), tout en respectant les droits de l’Homme.
Au global, la communauté internationale ne s’est pas dotée d’objectif et de stratégie pour l’éradiquer. Ainsi, à la pointe de l’agression parmi les pays libres et forte de son expérience internationale, la France semble être seule en mesure de progresser sur un tel axe. A l’heure où les circonstances nous conduisent à prendre conscience de la gravité de l’agression islamiste et à prendre des dispositions quasi-guerrières, je suggère d’y réfléchir avec nos partenaires de l’ONU.
J’en parle dans mon livre mais j’ajoute aujourd’hui que nous ne sommes pas à la hauteur de l’enjeu et qu’il importe de viser une stratégie « gagnante « et non pas seulement des voies à suivre dans notre combat. Il ne s’agit plus de « faire face et lutter ensemble » comme l’indique le sous-titre du rapport du Sénat mais de fixer le double objectif à terme – d’effondrement de l’islamisme européen – et d’un islam vivant en paix parmi les autres religions. Un tel objectif nécessite une stratégie et des moyens beaucoup plus importants.
Je demande donc à la France d’établir et adopter cette stratégie gagnante sur cet objectif-là. Il est d’ailleurs possible que la stratégie française devienne par défaut la stratégie des pays démocratiques. La barre est haute, mais face à de si grands problèmes, il faut des idées simples. Et capables de tenir la route durant longtemps.
Questionnement sur l’usage de la force, de la sanction et des lois d’exception
A côté de cela, l’islamisme rampant continue sa progression chez nous. Les pays agressés comme la Chine, la Russie, les pays du Maghreb, Israël, l’Égypte, l’Inde, les pays du Sahel, entre autres, le traitent par la violence. Nous refusons cet usage sur notre territoire, et c’est tout à notre honneur. Mais n’allons-nous pas trop loin dans l’autre sens ? Ainsi nous en sommes encore à espérer poser des barrières de nature administrative sachant que depuis 30 ans celles que nous avons posées sont inefficaces. On ne parvient pas à appliquer les sanctions de justice. On débat de l’utilisation du mot « guerre » et des spécialistes déclarent doctement que le mot police suffit, ce qui serait juste s’il ne s’agissait que de terrorisme. On débat aussi des mots islamisme, islam radical, etc. On hésite à parler d’ennemi et nos pays démocratiques ont oublié la notion d’ennemi principal selon laquelle il faut savoir oublier quelques temps les différends que nous pouvons avoir avec tel ou tel pays afin de concentrer tous nos efforts durant quelques années sur un ennemi principal et commun. Notre stratégie actuelle mise sur la force de nos institutions pour contrecarrer la puissante progression des usages islamistes mais le combat est inégal car nos lois ne sont pas adaptées, pire elles sont utilisées systématiquement par les islamistes pour progresser. Et même en les faisant évoluer, force est de constater que nous luttons avec des juges alors que l’adversaire utilise une armée de 750 000 personnes qui avance sous couvert de nos bienveillances. Nous misons courageusement sur l’État de droit mais, grâce au mensonge systématique et à la victimisation, c’est l’adversaire qui en profite le plus. Lorsque notre droit devient l’arme de l’adversaire je refuse d’être avalé par le boa constrictor de l’islamisme comme dit Boualem Sansal qui, vivant en Algérie, sait de quoi il parle.
Première conséquence, dans notre recherche stratégique, nous devrons nécessairement prévoir des lois d’exception nécessaires « pour gagner » cette guerre qui nous est faite.
Il est vrai que notre force principale reste dans l’instruction, l’éducation et la pédagogie mais, lorsque cela ne fonctionne plus et va même à contre-sens dans de vastes secteurs de la république, vient le moment de vérité. Dans les écoles, les professeurs sont sans cesse interrompus et ne peuvent plus assurer la transmission des connaissances. Ils ne disposent plus des moyens de se faire respecter. A Champigny-sur-Marne, 40 jeunes se sont attaqués à un commissariat de police avec des armes puissantes et létales, si demain, une bavure ou autre étincelle soulève la communauté des jeunes, ce ne sont pas 40 jeunes mais 40 bandes de 40 qui attaqueront des policiers. Devront-ils à nouveau se calfeutrer ? Sans aller jusqu’à basculer dans la violence ou dans les thèses du Front national, nous devons d’urgence réfléchir à des formes de coercition efficaces.
Seconde conséquence, à tous ces niveaux nous devons rétablir l’usage généralisé de la sanction. Et pour être efficace, celle-ci doit être « automatique et dissuasive ». J’insiste sur chacun de ces deux adjectifs, ils sont essentiels. Pour cela, il nous faudra sans doute innover. Mais l’enjeu est d’une telle importance pour l’avenir du pays qu’il ne faut plus ni attendre ni lésiner sur les solutions.
Vous avez dit que la peur va changer de camp, mais aujourd’hui, nous n’en avons pas les moyens. Si nous avions été beaucoup plus fermes depuis 30 ans, nous n’en serions pas là. Moins nous utilisons la force, plus nous devrons l’utiliser. Plus nous attendrons plus nous devrons être violents et faire appel aux méthodes expéditives. Israël nous le montre. Et le Front national attend son heure.
Une action concrète
Les enseignants sont en situation difficile et, comme il n’est pas question de baisser les bras mais, bien au contraire de sortir par le haut, sans concession, je propose de réfléchir à la mise en place d’une journée républicaine durant laquelle, tous les enseignants expliqueraient nos principes du vivre ensemble.
De nombreuses manières de le faire existent. Tous ensemble le même jour ou étalées dans l’année scolaire ? A tous les niveaux à la fois, de la 6ème à la première année d’université, ou à 2 ou 3 niveaux seulement ? Renouvelable tous les ans ou pas ? Selon des modèles standard ou laissé à l’initiative de chaque enseignant qui aborderait la question sous l’angle de sa spécialité, l’un par l’Histoire, l’autre par la littérature, un autre par le sport, un autre encore par la science en général, un autre par la biologie, etc. ? Avec séances préalables dédiées aux parents d’élèves ou pas ? Avec séances préalables, dédiées aux imams ou pas ? Avec contribution des imams ou pas ?
Dans tous les cas, cette journée ferait l’objet d’une préparation attentive, des outils seraient mis à la disposition des enseignants, ils ne seraient pas laissés seuls dans cette opération.
La religion musulmane serait parfaitement révérée et les musulmans respectés, voir mis à contribution.
Bref, tout cela pose un grand nombre de problèmes. Ils sont à étudier. Bien des formes et des manières peuvent être envisagées mais le cœur de l’action ne saurait être édulcoré.
Je l’envoie comme un ballon. L’idée est qu’on ne peut pas vouloir une chose et ne pas la dire clairement et l’assumer complètement.
Pour conclure
Tels sont les conseils d’un homme qui a connu quatre périodes de guerres vécues par la France, la 2° guerre mondiale, la guerre froide, celle d’Indochine et plus personnellement celle d’Algérie. Et qui, depuis 30 ans se passionne pour la géopolitique, la puissance des masses populaires et les formes civiles et non violentes de lutte. Le présent blog « jeanmarichez.fr » en dit plus.
Le contenu de mon livre reste brûlant d’actualité. Ses 44 propositions n’ont été que très peu suivies d’effet alors qu’elles me paraissent toujours importantes et urgentes, notamment les notions d’objectif et de stratégie gagnante. Elles volent haut mais c’est à ce niveau qu’il faut maintenant travailler. Nous en sommes loin.
Nous sommes embarqués dans une sale affaire. Si nous n’y réfléchissons pas très sérieusement et si nous n’y mettons pas « tous » nos moyens, quels qu’en soient le coût, nous le paierons d’un prix exorbitant. Il nous faut un Clémenceau pour dire la difficulté, rassembler le peuple français et mener cette guerre avec constance et inflexibilité. Mais Clémenceau ne saurait être seul. Il doit être porté par la nation. C’est une guerre d’un type nouveau. Elle peut être longue car un quart des musulmans de France sont imprégnés des idées islamistes et ce n’est pas par la haine et la violence qu’on peut changer leurs croyances. La force n’est pas forcément la violence et plus nous utiliserons la première, moins nous aurons besoin de la seconde.
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Nota : Cette lettre, accompagnée de mon livre, vient d’être envoyée à notre Président. J’espère qu’elle ne sera pas perdue dans le flot journalier de lettres d’opinions car j’y ai longuement réfléchi et travaillé.
Voici enfin la réponse, reçu ce matin 19 mars 20, du Chef de Cabinet de la Présidence. Je n’en attendais pas plus mais j’apprécie quand-même.