La Prière et le doute


Peut-on prier sans la certitude d’être entendu ?

En effet, nos prières de chrétiens s’adressent essentiellement à Dieu qui est supposé nous entendre. Or dans l’article précédent, j’en arrivai à la conclusion que, pour être audible à l’universel, le christianisme devait exclure de ses dogmes tout ce qui n’est pas certain, et en particulier le surnaturel qu’il faut laisser au rayon des croyances. Par exemple la résurrection n’étant pas une certitude absolue, on peut y croire, en tout bien tout honneur, mais avec une petite part de doute.

Il en va de même pour la prière. Nous pouvons prier Dieu mais en y incluant une part de doute ce qui n’est pas à la portée de tout le monde. 

Prier quelqu’un signifie souvent demander et la plupart de nos prières sont des prières de demande qui s’adressent à Dieu réputé tout puissant et sensé nous écouter, on lui demande avec instance, par exemple la guérison d’un parent ou d’un enfant, on prie pour un ami en difficulté, pour le succès d’une opération, etc. 

Mais la prière chrétienne est plus riche, elle peut être faite d’adoration, de remerciement, d’examen de conscience, de pardon, de méditation et de résolution, toutes choses qui, si on y réfléchit, s’adressent souvent autant à nous-même qu’à Dieu. Ces formes de prière sont entendues par nous-même, par notre « Esprit-Saint » (c’est à dire par cette part de Dieu qui est en nous, nous dit l’Église), alors que nos prières de demande sont supposées être entendues par Dieu, c’est à dire un Dieu extérieur. 

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Donc, si pour la plupart des chrétiens la prière n’est qu’une prière de demande, ils peuvent être assaillis par le doute sur le surnaturel et donc sur l’écoute de Dieu. C’est pourquoi il importe de rappeler la vraie nature de la prière chrétienne et le sens à donner à l’Esprit-Saint. Dès lors, peu importe que le surnaturel existe ou n’existe pas, le doute n’empêche pas de prier. S’il est trop fort, la prière devient méditation. Ainsi pour ceux que le mot prière dérange au point d’en refuser la pratique, je propose le mot méditation.

S’il est donc possible et normal de prier sans certitude absolue d’être entendu, il n’est pas inutile de s’arrêter quelque peu sur ces besoins de notre nature humaine que sont nos croyances, nos prières, Dieu… Car ce sont là de vrais penchants. Le besoin de croire apparaît quand nous ne savons pas quelque chose et que la réponse nous semble importante. Nous avons besoin de boucher nos trous de connaissance et nos réponses sont facilement influencées par les autres au point même que leur évocation collective peut parfois prendre un tour passionnel, et d’autant plus qu’il y a incertitude. Bref nous sommes des êtres croyants. Devant nos interrogations, nous franchissons facilement le seuil du concret pour prier le ciel ou je ne sais quelle force surnaturelle.

Ainsi, il n’est pas facile de méditer sans penser à la possibilité d’un Dieu. L’usage du mot Dieu n’existe pas dans toutes les religions. Dans l’esprit des gens, il désigne le créateur du monde car il y en a forcément un. Mais alors qui a créé ce créateur ? Etc. 

Jean Rigal, prêtre, théologien et ecclésiologue demande aux croyants plus d’humilité lorsqu’ils parlent de Dieu. « Si tu comprends, alors ce n’est pas Dieu », disait Saint Augustin… et, avec une pointe d’humour – il poursuivait : « Dieu n’est pas ce que vous avez compris, il est ce que vous ne comprenez pas. » Le philosophe chrétien, Saint Justin (vers l’an 150) disait aussi : « Le mot Dieu n’est pas un nom, mais une approximation naturelle à l’homme pour désigner l’inexplicable ». C’est aussi un mot piège en ceci qu’il semble désigner une personne, ce qui est peut-être déjà excessif.

Nous en sommes tous au même point : nul ne peut dire qu’il y a ou qu’il n’y a pas de Dieu. Mais par notre culture chrétienne, nous sommes influencés, d’une part par Jésus qui, comme tout juif instruit, évoque souvent Dieu son Père, le Dieu de l’ancien testament qui n’est peut-être qu’une création de l’esprit humain, et d’autre part par le concile de Nicée, qui fit de Jésus un Dieu sans qu’il y ait certitude. 

On peut croire, en tout bien tout honneur, à ces déifications mais la maturité de notre foi exige de notre part une petite réserve. Il est possible de prier en assumant une petite part de doute : « Seigneur, si tu existes, guéris cet enfant… »

La foi chrétienne est une belle chose et le doute, au lieu de la dévaloriser, la rehausse au niveau de l’intelligence humaine. Dans un film de Monia Chokri « Simple comme Sylvain », une professeure de philosophie suggère l’idée que la pensée juste permet l’élargissement de la connaissance. 

Ainsi, face au doute, la plupart des gens quittent la foi, mais n’est-ce pas jeter le bébé avec l’eau du bain ? Pourquoi, au contraire ne pas assumer le doute et conserver le message christique pour son élévation et sa puissance, et même éventuellement, pour la porte qu’il ouvre vers le surnaturel. 

D’autres, au contraire, se raidissent et font de leur foi un bloc intouchable, autant pour les règles de l’Église que pour leurs croyances. 

Pourtant ce ne sont que des chiens couchants comme dit Jean Sullivan dans une parole qui remue. La vie de Jésus n’est pas une histoire imaginée, c’est une histoire vraie dont la force morale et spirituelle dépasse de loin toutes celles qu’on a pu imaginer. Qu’il soit ou non un extra-terrestre ne nous apporte rien de plus que son message vécu, que le souffle de vie qui nous bouscule vers le haut. 

A lire dans mon blog : https://jeanmarichez.fr/parole-de-feu/

JM 20/02/25